1-1+1-1+1-1+... = 1/2
VSauce a sorti récemment une vidéo que je vois relativement circuler sur l’infini et le fait qu’on puisse compter au-delà de celui-ci. Beaucoup de gens ont du mal à assigner le concept de l’infinité et c’est tout à fait normal. En effet, l’infini distord de nombreuses règles qui amène parfois à des résultats… surprenants. Je me suis dit que j’allais aborder l’un d’eux dans cette rubrique math et il y a des chances pour que j’en fasse également une deuxième qui va s’appuyer sur la présentation d’aujourd’hui.
Avez-vous entendu parler du mathématicien italien Luigi Guido Grandi ? Si oui, c’est surement grâce à sa fameuse série éponyme. Nous sommes en 1703 et Grandi fait une grande analyse de la suite [math]S = \sum_{n=0}^{\infty}(-1)^n[/math] . Houlà, vous paniquez, plein de symboles mathématiques, ça a l’air compliqué. Bah en réalité, cela en a juste l’air. En fait, c’est l’addition 1,-1,1,-1,1,-1 infiniment. C’est juste une alternance de 1 et -1 qu’on additionne. Qu’est-ce que cette série a de spécial ?
Posez-vous la question, qu'est-ce que nous donne [math]1-1+1-1+1-1+1-1+…[/math] ? Certains vont dire « bah 0 car tout s’annule ». Effectivement, si on fait [math](1-1)+(1-1)+(1-1)+…[/math], on ne fait qu’ajouter des 0 donc ça parait logique que cela donne zéro, donc S = 0. Mais quid si je réécrivais la somme comme cela [math]1+(-1+1)+(-1+1)+(-1+1)…[/math] ? Ici, j’aurai 1 et que des éléments qui s’annulent…donc S faudrait 1 ? Mais il me semblait qu’on avait dit que S vaut 0. D’aucuns diront que ça dépend comment l’addition s’arrête. Selon si c’est un -1 ou un 1 alors le résultat sera 0 ou 1 mais, c’est tout le principe de l’infini, cela ne s’arrête pas. On ne peut donc pas déterminer. Il y a donc eux plusieurs écoles, celles du 0 et celles du 1 et les mathématiciens se sont disputés un long moment dessus. Et que diriez-vous si je vous disais qu’il y a même une troisième possibilité pour S ? Elle a été très souvent écartée de par le passé et pourtant, elle existe. Regardez :
[math]S = 1-1+1-1+1-1+…\\
\Rightarrow 1-S = 1- (1-1+1-1+1-1+…)\\
\Rightarrow 1 – S = 1-1+1-1+1-1+…. \\
\Rightarrow 1- S = S\\
\Rightarrow 2S = 1\\
\Rightarrow S = \frac{1}{2}[/math]
Cette somme de 1 et de -1 donnerait une fraction ? Fadaise et billevesée. Et pourtant… avec nos outils mathématiques modernes, on trouve même que c’est le résultat le plus probant. Cette série diverge. En effet, si on regarde les résultats des sommes partielles, on a 1,0,1,0,1,0… Donc selon l’étape où l’on est, on a comme résultat soit 1 soit 0. Il n’y a donc pas de limite, on ne converge pas vers une valeur, dans le sens, on ne se rapproche/tend pas vers une valeur. Cela ne veut pas pour autant dire que mathématiquement, cette somme n’a pas de valeur.
Dans le domaine de la sommation infinie, on a un outil bien pratique nommé la sommation de Cesàro. Rien à voir avec Jules César, mais avec Ernesto Cesàro, mathématicien de son état. Celui propose que plutôt que d’étudier les sommes partielles, on devrait travailler sur la convergence des moyennes des sommes partielles.
Donc, on a tout d’abord, 1. Ensuite, on a [math]\frac{(1+0)}{2} = \frac{1}{2}[/math]. Puis [math]\frac{(1+0+1)}{3} = \frac{2}{3}[/math]. Puis [math]\frac{(1+0+1+0)}{4} = \frac{1}{2}[/math]. Puis [math]\frac{(1+0+1+0+1)}{5} = \frac{3}{5}[/math] et ainsi que suite. Que peut-on dire de cette série ? Eh bien, contrairement à la précédente, celle-ci converge. On note que pour tout n paire, on a comme résultat [math]\frac{1}{2}[/math] et pour tout n impaire, on a une fraction du type [math]\frac{1}{2} + \frac{1}{2n}[/math]. Or, quand on tend vers l’infini [math]\frac{1}{2n}[/math] va devenir de plus en plus infime et tend donc à se rapprocher de [math]\frac{1}{2}[/math]. On peut procéder avec les autres méthodes de sommations infinis comme celle d’Abel ou de Borel, on tombe toujours sur [math]\frac{1}{2}[/math]. Et contre tout attente, cela se justifie très bien comme le tout premier calcul que je vous ai montré qui est la démonstration la plus simple.
16/09/2022 à 12h02
05/10/2022 à 11h13