Science et Religion : Ami ou ennemi?
Ma philosophie peut se résumer à “je crois que ce que je vois”. Je me vois comme un scientifique qui ne se base que sur la raison et les faits. Il y a indubitablement des choses qu’on ne peut pas encore expliquer. Le mot important dans cette phrase est “encore”. Je considère qu’il y a toujours une explication logique que nous ne sommes simplement pas encore en mesure d’appréhender. Car non, nous n’avons pas la science infuse. Avant, nous traitions de sorcières les personnes faisant des choses qu’on ne pouvait expliquer, on parlait de magie. Et la science a pu démontrer et expliquer bon nombres de tours qu’on était incapable de comprendre avant. Pour moi, l’inexpliqué relève simplement de ce manque de connaissances à l’instant T et non pas d’un être suprême et autres déités. Cet agnosticisme m’amène à penser que les notions tel que le Destin, le Karma, Dieu(x), l’Amour allégorisé ne sont que des chimères inventées par l’Homme pour se rassurer dans son ignorance et la peur de l’inconnu. “Pourquoi le sort s’acharne sur moi? - Car c’est ton destin, Dieu en a décidé ainsi”. C’est pratique et cela nous permet même de nous dédouaner de nos propres erreurs. “Pourquoi l’Amour me refuse le bonheur?” Mais pour moi, tout cela n’existe pas et à dire vrai, je le pense toujours. Mais là n’est pas la question.
L’objectif de ma réflexion du jour est de se demander si justement la Science ne devrait pas faire disparaître la Religion, si la raison ne devrait pas l’emporter sur la croyance aveugle, si au final, la Religion n’est qu’un vestige d’une époque ancienne et qu’on devrait détourner les gens de cet obscurantisme. Eh bien, contrairement à ce que peut laisser présager mon profil, je dirais que non. J’irai même plus loin en disant que les deux sont essentielles et complémentaires pour l’épanouissement et l’évolution de l’Homme. Ce n’est pas parce que je ne pratique ni ne crois moi-même que je ne peux comprendre toute l’utilité et tous les apports bénéfiques de la Religion pour l’être.
Alors avant d’aller plus loin dans la réflexion, je pense qu’il est souhaitable de définir ces deux notions. Il est important, si ce n’est impératif, de comprendre que je les prend dans leur sens large. Je ne me borde pas aux grands cultes ni aux sciences de notre époque.
Quand je parle des Sciences, c’est un immense système reposant sur des faits et implémentant par inférence des lois, des règles, des méthodes afin de rendre ce système logique. Par exemple, le système de numérotation, les appellations changent, on peut dire 1, un, I, uno, one,... Mais la logique reste la même, derrière. Quand on prend un objet, on a une unité de cet objet. Rajoutons une unité équivalente de cet objet, on vient de doubler, c’est un fait indubitable donc on a deux. Si on enlève une unité de cet objet, irrémédiablement, on retombe sur une unité. Peu importe ce qu’on prend comme unité, le système de calcul reste le même. De cela, on peut en définir des règles, 1+1 = 2 et 2-1=1, tout cela est logique. Les Sciences, c’est l’ensemble de tout cela, des faits, des inférences pour former un système logique. Cela peut être aussi bien du réel tel que la physique, la médecine, le géologie, l’astronomie, etc, que de l’immatériel comme les sciences politiques économiques et sociales ou la psychologie. Certaines sont des Sciences dures dans le sens où elles sont absolues, ça va être dur de révolutionner la loi de la gravité, elle s’impose à nous, on ne fait que constater. D’autres sont plus flexibles avec différentes écoles de pensées notamment dans l’immatériel où il n’existe pas de règles absolus mais où on peut en déduire des règles, des concepts et des principes applicables. Voilà, comprenez bien que je prends le sens très large.
La Religion suit également la même logique. Je ne me borne pas au Christianisme, l’Islam, le Judaïsme, le Bouddhisme, le Shintoïsme, etc. Je parle Religion au sens large. Ciceron définissait la Religion comme “le fait de s'occuper d'une nature supérieure que l'on appelle divine et de lui rendre un culte”. C’est le cas de nos trois grandes religions occidentales actuelles mais aussi ancienne comme les mythologies grecs, égyptiennes, nordiques, védiques.... Mais moins le cas avec le Bouddhisme qui est plus une école de pensée, une manière de vivre reposant sur l’humain et non une autorité supérieure. Bien qu’on honore Siddharta Gautama, le Bouddha, c’était un chef spirituel, un sage mais non un dieu. Donc je relativiserai les propos de Ciceron et dirai qu’une Religion est un ensemble de croyances et rites par un groupe ou une communauté relevant du domaine spirituel, ésotérique comme exotérique. C’est très large comme vous le voyez. L’objectif n’est pas de se limiter à un dogme mais de voir les apports de cette spiritualité sur l’Homme.
La Religion est présente de tout temps et partout. Dès les origines de l’Homme où l’on vénérait la Nature nourricière, jusqu’à nos jours, de notre civilisation jusqu’à la petite tribu tribale. Pourquoi ce besoin de croire en quelque chose de plus grand? Le divin transcende-t-il donc les âges? Tout d’abord, comme précisé dans l’introduction, l’Homme déteste l’inconnu. Cela l’amène très vite à se poser des questions dites existentielles comme “Quel est le rôle de la vie?”, “Y a-t-il une vie après la mort?”, “Qui a créé ce monde dans lequel on vit?”, tout cela sont des questions insolubles. Il n’existe pas UN rôle pour la vie. Personne ne se réveillera pour témoigner de ce qu’il y a après. On a beau repousser les découvertes sur notre monde, galaxie, univers, on peut toujours s’interroger sur ce qu’il y avait avant. Il y a eu un big bang qui créa l’univers. Ok mais qu’est-ce qui a provoqué le big bang? On ne sait pas. On est dans le noir. Et la Religion apparaît alors comme une réponse à ces interrogations. C’est de la croyance, il n’y a pas de preuves arrêtés mais cela comble ces vides qui pourraient tourmenter nos âmes.
En réalité, c’est bien là un des rôles de la religion, s’occuper de notre âme. L’âme, du latin amina voulant dire respiration/souffle, est ce qui nous anime en tant qu’être vivant. On a un aspect physique, le corps alimenté par une pompe, le cœur, qui fait fonctionner un moteur, le cerveau, qui fait tourner la mécanique, nos muscles. Mais le corps n’est qu’un réceptacle pour notre soi, ce qui fait notre être. Nous ne sommes pas qu’une machine, nous avons une conscience propre qui nous caractérise, c’est cela l’âme. Et cette âme peut être tourmentée par nos émotions, nos envies, nos regrets et nos frustrations. Or tout être tend au bonheur. La religion souhaite nous amener à ce que Épicure appelle l’ataraxie, la quiétude absolue de l’âme et pour atteindre cette ataraxie, il faut suivre l’enseignement de cet être divin qui cherche à nous élever, qui doit nous servir de modèle. Pour cela, généralement tout une série de valeurs et principes de bonnes conduites vers lesquelles les croyants doivent tendre est prônée par les religions. Cela passe notamment par l’inculcation du bien et du mal.
Le religion est aussi un immense vecteur social et c’est là une des plus grandes forces de la religion et qui la fait subsister depuis si longtemps. Partager des rites, un mode de vie et de pensée permet de réunir les individus. Autant on se bagarre pour nos différences, autant on s’unit pour nos ressemblances. On se regroupe quand on partage une même culture et la religion forge en partie cette culture commune. Outre le côté pensée, il y a les édifices et offices religions, les idoles et autres symboles. Tout cela fonde une unité de groupe et forme ainsi une communauté. Toutes ces rencontres apportent beaucoup à l’Homme d’un point de vue social mais aussi épanouissement personnel. Rappelons la pyramide de Maslow qui classe les différents besoins attendus par l’Homme, au troisième niveau en partant du haut, il y a le besoin d’appartenance. L’Homme aime se sentir au sein d’un groupe, c’est une étape importante de son accomplissement. La religion a permis d’unir des peuples voire des civilisations. Bien sûr qu’elles ont été cause d’innombrables morts par la guerre, les sacrifices… mais a permis aussi d’incroyables unions et perpétuations de personnes.
Enfin la religion est porteuse d’espoir. Bien souvent, elle autorise la rédemption sans forcément tomber dans la miséricorde. Cela passe parfois par des rites d’expiations, des prières...mais elle apporte toujours l’espoir d’un avenir meilleur. La religion prêche la confiance en l’avenir, que ce n’est que des tests de leurs déités, que si on agit bien, alors le bonheur nous attend, dans cette vie ou dans l’autre. Et c’est là aussi une des grandes forces de la religion, faire garder l’espérance même dans les périodes les plus noires. Or, comme le veut l’adage, “l’espoir fait vivre”. Cela permet d’endurer bon nombres de sévices sans plier dans l’espérance q’un jour, la roue tourne.
Bien sûr, tout cela se heurte à l’absence de preuves réelles, c’est de la croyance pure. Ce qu’on appelle la foi. Or, nous sommes dans un matérialisme croissant accompagné par la montée de l’agnosticisme et de l’athéisme. On attribue cela au développement de la Science. Celle-ci se reposant sur des faits et des raisonnements peut démontrer ce qu’elle avance et démontre bien souvent le contraire de ce que prêche la religion. Par exemple, la théorie de Darwin a montré qu’on ne vient pas de la poussière ou d’une déité mais qu’on est né d’une évolution génétique des grands singes, Galilée a prouvé le modèle héliocentrique. Pendant des années, Science et Religion ont cohabité, mais là, la Science s’attaque à ce que dit la Religion, s’attarde à démontrer que c’est irréaliste, là où la Religion parle du divin. À partir de là, Science et Religion ne se sont plus entendues. Sans preuve et indémontrable, les gens se sont détournés de plus en plus de la Religion vu comme un ramassis de belles paroles pour se tourner vers le réel, le pragmatisme et la Science. C’est l’imperium de la raison, la sanctification de l’esprit. C’est démontrable, explicable et prouvable. Cela a permis des avancées bien réelles avec les outils, l’optimisation des ressources, les machines. Là où la Religion, elle, ne restait qu’une pensée. La Science faisait avancer, cela nous cultivait et nous apportait du savoir sur la compréhension de notre monde, de façon beaucoup plus logique que la croyance aveugle. Et cela est extrêmement important.
Toutefois, elles ne devraient pas se faire la guerre. Elles ont des rôles différents. L’un incarne la tête / la raison, l’autre le cœur / les émotions. Et les deux sont nécessaires à l'épanouissement de l’Homme. Il nous faut notre intelligence par avoir un esprit critique, analyser les situations, pouvoir innover. Nonobstant, il nous fait aussi quelque chose en quoi croire pour pouvoir avancer. On a beau avoir une belle voiture, un moteur plein, si on ne sait pas où l’on souhaite aller, alors nous stagnons, on divague, on erre. Après, nul besoin d’Église pour cela vous me direz, on peut se battre pour notre famille, pour nos amis, les personnes qui nous sont chères. Pourtant, il y a, et il y aura toujours des laissés pour compte, des gens abandonnées, des gens qui se sentent seules au fond d’eux même s’ils sont entourés et qui n’osent pas parler de leurs problèmes ou qui ne peuvent pas, des gens désillusionnées, dévastées par le fatalisme. D’après de nombreuses études, les personnes qui ont une plus proche vision du réelle sont les dépressifs. Ils n’enjolivent pas comme le font les autres. Ils ont vu, ils ont assimilé et on en déduit que ce n’était pas ce qui les attendait. Comment rêver dans un monde pragmatique où tout serait une suite de cause-conséquence, où des règles inextricables régisseraient le monde? Il nous faut des illusions, des chimères, des choses en quoi croire pour nous pousser à exister. Et la Religion essaie de répondre à ce besoin.
D’autant qu’elles ne sont en rien incompatibles. Je sais qu'aujourd’hui, on a l’habitude d’opposer Science et Religion, mais pendant des années, elles ont travaillé de concert. Pendant des siècles, les chercheurs étaient principalement les membres religieux, des druides jusqu’aux professeurs d’université. Je me souviens de Kant, grand philosophe du XVIIIe siècle, prouver l’existence de Dieu par un triangle dans “Critique de la raison pure”, ou encore Descartes, alors prêchant le rationalisme (qui deviendra par la suite le cartésianisme), accepter et démontrer que Dieu existe dans le “Discours de la méthode”. Ces arguments ontologiques n’ont en rien affectés leur intelligence et leurs pensées. Je dirai même plus, la Science a besoin de la Religion. La Religion, c’est tout un tas de valeurs et de principes moraux et de là vient l’éthique. Qu’est-ce qui nous empêche de faire de l’eugénisme? De modifier les embryons? De modifier notre corps par le transhumanisme? Scientifiquement, rien. On pourrait faire des recherches, des expériences dessus. Et d’ailleurs, certains le font, énième preuve de l’érosion de notre éthique. Mais pour beaucoup, on le refuse, par conscience. Rabelais disait “ la science sans conscience n'est que ruine de l'âme”. La Science aveugle est tout aussi dangereuse que le fanatisme religieux. La Science et la Religion s’autorégulent, chacun empêchant l’autre d’aller trop loin et c’est une bonne chose. Il ne faut pas que l’une efface l’autre, il faut qu’elles œuvrent main dans la main, le corps et l’esprit, le cerveau et le cœur.
La Science et la Religion.