Quel type juridique d'entreprise choisir pour monter la sienne seul?
Voilà un titre un peu vague. En fait, c'est simple. Je suis souvent amené à rencontrer des jeunes informaticiens qui aimeraient bien monter plus tard leur entreprise. Ils aimeraient ne pas avoir d'autres associés et ainsi être le seul maître à bord. De fait, j'entends souvent cette question : "Sous quel type juridique vais-je monter mon entreprise ?". Cette question est tout à fait légitime car il faut dire qu'il y a moult formes d'entreprises avec un unique associé. Entre EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée), EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée), SASU (Société à Actions Simplifiés Unipersonnelle), auto-entrepreneur... comment choisir?
L'une des tendances actuelles est la dernière citée, c'est-à-dire, l'auto-entrepreneuriat. Créé en août 2008 pour la Loi de modernisation de l'économie (LME), son réel objectif était de faire baisser le nombre de chômeurs en leur permettant de se mettre à leur compte très facilement. En effet, il suffit de remplir le formulaire P0 et pour cela, il vous suffit de vous rendre sur le site du Centre de Formalités des Entreprises. Cela prend une vingtaine de minutes et c'est bon, vous êtes enregistré comme auto-entrepreneur .
Sauf que moi, je n'aime pas ce statut. Il a des avantages, c'est clair et net. Il est très facile de la monter comme je l'ai dit précédemment. Et c'est normal, car on n'a pas à s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés (ou des métiers si vous êtes artisan mais je vais considérer uniquement le cas où vous voulez monter une entreprise d'informaticien free-lance). Et là encore, c'est normal car on ne monte pas une société ni un commerce. L'auto-entreprise fait partie des entreprises individuelles. Les principales caractéristiques d'un auto-entreprise sont présentées dans ce graphique des Chambres du Commerce et de l'Industrie (CCI) de France présentant comment l'auto entrepreneur se situe par-rapport aux autres types d'entreprises (en rouge) :
En fait, ce schéma regroupe tout ce que je n'aime pas dans l'auto-entreprise. Je commence par le bas. Notre responsabilité, contrairement aux EURL, EIRL ou SASU, est illimité. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que votre responsabilité ne se limite pas à votre simple apport dans l'entreprise. En somme, cela ne se limite pas aux biens appartenant à l'entreprise. Les biens personnelles comme votre maison ou votre voiture ou vos comptes personnelles peuvent servir à rembourser les dettes contractées par l'entreprise devenue insolvable. Alors, ne paniquez pas, il existe l'AERL (Auto-Entrepreneur à Responsabilité Limitée). Mais justement, ce n'est pas une simple auto-entreprise donc enregistrez-vous bien comme AERL et non comme simple auto-entrepreneur sinon vous vous engagez personnellement. Cela élimine déjà le point du bas.
En haut, on a le statut social du dirigeant et on peut voir que nous sommes un travailleur non salarié (TNS). Cela aussi me chagrine car cela veut dire qu'on n'a pas la belle couverture sociale qu'ont les salariés. Je parle notamment du régime sociale comme les assurances maladies, les retraites, les allocations familiales et bien d'autres, le chômage étant exclu. Éviter d'avoir un accident car quelques jours à l'hôpital et vous allez voir que votre portefeuille va vraiment faire grise mine . Après, l'auto-entrepreneur est quand même bien couvert et se rapproche beaucoup d'un salarié. Il y a pire comme TNS mais cela reste un TNS. Allez dans une banque pour un prêt personnel et dites "je suis salarié", cela ne sera pas pareil que si vous dîtes "je suis un travailleur non salarié".
Et enfin, le point à droite, le régime fiscal, on est en régime des sociétés de personnes et on est soumis via l'impôt sur le revenu (IR). On est sur un régime micro-social (ça offre déjà un taux amoindri), et si je me base sur cette page des services publics (corroborée par d'autres sources, ne vous inquiétez pas), le taux d'imposition serait de 26,3 %. Et ce taux s'applique sur le chiffre d'affaires . C'est ça qui me tue. Remettons les choses en contexte. Imaginons, je suis un webmaster et j'ai fait, en une année fiscale, un site web que j'ai vendu à 100€. J'ai également payé l'hébergement de ce site pour une valeur de 75€. Ici, mon chiffre d'affaires est de 100€ car j'ai encaissé 100€ durant l'exploitation. Mais par contre, attention, je n'ai un bénéfice que de 25€. Sachant que ce taux s'applique à mon chiffre d'affaires, je suis imposé sur les 100€. Je dois donc payé 26.3% de 100€ soit 26.30€ (pas trop difficile) d'impôts... Je suis déficitaire . Non, mais sérieusement, imposer sur le chiffre d'affaires et non le bénéfice..., c'est risqué. Le chiffre d'affaires ne représente pas la richesse crée par l'entreprise durant l'exploitation, simplement ses rentrées d'argent. Heureusement, si le chiffre d'affaires est nul, on n'a pas à payer de cotisations sociales. Grand point très intéressant toutefois, l'auto-entrepreneur est exonéré totalement de la TVA pour toutes ses ventes. Sachant que cette dernière est passée à 20%, cela fait une différence notable sur l'échelle des prix.
Bon, je suis désolé au près des auto-entrepreneurs qui me lisent mais je n'aime pas ce statut et je me devais d'expliquer pourquoi. Mais je ne vais pas faire le grincheux qui tape sur ce qui existe sans proposer de solutions et alternatives. Et le type juridique que je préfère est celui de la SASU.
Forme individuelle de la SAS, la SASU est une réelle société. De ce fait, elle est, je l'admet, un peu plus compliquée à monter. Comme toute bonne organisation qui se respecte, on doit écrire des statuts pour notre société. Il va également falloir publier une annonce au journal d’annonces légales et remplir un formulaire m0 (vous ne pensiez pas échapper à la paperasse ). Il faudra enfin fournir un certificat de dépôt de fonds pour les apports en numéraire (en gros, combien on débloque d'argent pour la société, ce qui constituera son capital) sachant qu'il n'y a plus de capital minimum. Vous pouvez donc monter une entreprise avec un capital d'1€ mais après, vous n'allez pas aller loin.
Le fait d'avoir une société impose également un peu plus de rigueur. Pour chaque grande décision, l'associé unique établie un procès-verbal (comme pour les associations par exemple) devant être déposé au Centre de Formalités des Entreprises et tient ainsi un registre des décisions. De même, il faut établir de vrais comptes avec un compte de résultat, un bilan... et non juste un simple registre des entrées-sorties. Pour moi, cet encadrement n'est pas forcément un mal dans le cas où si l'entreprise s'étend et devra changer de nature, ils devront obligatoirement passer par là. Donc autant y être habituer directement.
Même s'il n'est pas écrit SASURL, il est important de savoir que la responsabilité de l'associé est limité à ses apports. Ainsi son patrimoine personnel ne peut être saisi pour éponger les dettes de la société (sauf en cas de faute manifeste de gestion).
Autre avantage, contrairement à beaucoup d'organisation unipersonnelle, l'associé, s'il dirige sa société, est considéré comme "dirigeant assimilé salarié". Cela signifie qu'il est considéré comme salarié et dispose ainsi du même régime social (le régime général) sauf évidemment, celui de l'assurance chômage étant mandataire social. Ainsi, on a une bonne assurance santé, vieillesse, familiale. On sait tous que les salariés sont mieux couverts que les dirigeants en France. Et bien voilà un statut qui permet de concilier les deux et ça, c'est bien . D'ailleurs, les dividendes que se verserait l'associé unique n'est pas soumis aux cotisations sociales.
Reparlons un peu des impôts, élément que j'avais houspillé dans l'auto-entrepreneuriat. On est une société donc évidemment, on paie l'impôt sur les sociétés et non plus l'impôt sur le revenu. Et là, je vous vois venir avec un rictus dessiné sur vos lèvres: "L’impôt sur les sociétés s'élèvent à 33.333...%, ce qui est plus que celui de l'auto-entrepreneuriat ". À ce moment là, je me redresse fièrement, pointe mon doigt vers vous et crie un bon "OBJECTION!" à la Phoenix Wright. Tout d'abord, l'impôt sur les bénéfices (IS) ne s'applique que sur les bénéfices. Ainsi dans mon exemple précédent, je n'aurai qu'un tiers de mes 25€ soit 8.34€ d'impôts, ce qui ne me rend pas déficitaire, loin de là. Mais ce n'est pas tout. En se rendant sur le site des impôts, on note un magnifique tableau qui énonce que pour un chiffre d'affaire inférieur à 7 630 000 € et si "le capital de votre société a été entièrement versé par les associés et est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques (ou par une autre société répondant aux mêmes conditions), elle est imposée au taux de 15 % sur ses 38 120 premiers euros de bénéfices (ce montant est apprécié par période de 12 mois) puis 33,1/3 % pour le reste de ses bénéfices. Donc en plus, vos premiers 38 120€ ne sont taxés qu'à 15% car le capital a été entièrement versé par vous, l'associé unique, et vous disposez de plus de 75% car vous l'avez même à 100%.
De plus, il faut savoir que vous pouvez demander à vous faire imposer personnellement. Depuis la LME, la SASU peut opter temporaire à l'IR. La limite est de 5 ans. Je ne vois pas pourquoi il ferait cela mais on lui laisse cette option, il fallait donc que je la mentionne.
Enfin, une SASU est donc une société à actions, ce qui facilite énormément la transmission de la société. Vous voulez accueillir un nouvel associé, vous n'avez qu'à lui céder une partie de vos actions. Cela ne sera donc plus une SASU mais une SAS (car ce n'est pas unipersonnelle). Mais cela est transparent, cela se fait automatiquement, on n'a pas à changer la société. Alors que si on était une entreprise indépendante, il aurait fallu obligatoirement changer notre type de société et cela coûte évidemment des sous. De même, pour le céder à ses enfants comme héritage, il est plus facile de diviser des actions qu'un fond de commerce et surtout on paie moins d'impôts. En effet, les cessions d’actions sont soumises à un régime fiscal plus léger de l'ordre de 0.1% là où cela varie de 0 à 5% pour un fond de commerce et 3% après un abattement proportionnel de 23 000 euros pour les parts sociales (d'une EURL par exemple).
Un dernier avantage pour la route. Le président de SASU qui ne se met pas comme dirigeant, n'ayant ainsi pas de salaire et qui touche l'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi (ARE) peut continuer à la toucher, là où un gérant associé d'EURL ne peut point. De même, les dividendes qu'il reçoit, outre le fait d'être exonéré de cotisations sociales, n'ont aucun effet sur le montant des allocations. Donc on peut monter une société sans en avoir la direction, toucher des dividendes et toujours toucher l'ARE.
Tout cela m'amène à conseiller les gens à s'orienter vers ce type de société pour se lancer dans l'aventure. Après, il n'y a pas de réponse absolu et il convient de voir lequel est le plus adapté à votre projet. Néanmoins, je trouve que la SASU offre beaucoup d'avantages non négligeables par rapport à d'autres structures.
23/09/2015 à 17h56
07/04/2015 à 21h49