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Le vote utile

16 Apr

2017

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Écrit Par  Yann Bidon
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Le vote utile

2002, la France se prépare à voter pour la présidentielle d'avril. Après 5 ans de cohabitation, le président sortant, Jacques Chirac, officiellement investi par le RPR, et le premier ministre sortant, Lionel Jospin, officiellement investi par le PS, sont donnés comme favoris. Comme je l'ai déjà expliqué dans un précédent article dénonçant les dérives de notre système électoral, ce dernier favorise le bipartisme. Ainsi, tout le monde s'attend à un duel au sommet entre Jospin et Chirac. La presse se faisait écho du duel de titan à venir et tout deux menèrent une grande campagne. Je me souviens d'un journaliste qui proposait à Jospin différent scénarios et un d'eux était "et si vous n'étiez pas au second tour", ce à quoi Jospin avait répondu qu'il avait beaucoup d'imagination mais que cette dernière a quand même ses limites. Il était persuadé d'être qualifié au moins au second tour.

Et c'est compréhensible, il a le système avec lui. Ce dernier favorise le bipartisme car en votant pour un parti tiers (dont on peut être plus proche) mais qui est plus petit, on pénalise le plus grand candidat proche de nos valeurs et principes. Notre voix, bien qu'importante pour ce petit candidat, est "perdue" dans le sens où elle n'est valable qu'exclusivement pour ce petit candidat qui n'a, en théorie, aucune chance d'être élu. Elle se fait alors au détriment du "grand" candidat le plus près de notre tendance politique et favorise ainsi le camps opposé quel qu'il soit. De là est né le principe de vote utile. On est incité à ne plus voter pour le candidat qui nous est, dans l'absolu, le plus proche mais le grand candidat de la tendance qui nous est la plus proche. Qu'on soit clair, ceci est un fléau anti-démocratique. Je le dénonce mais pour l'heure, le système électoral est ainsi fait. Alors on a le second tour pour reporter nos voix sur les "grands" mais encore faut-il que ces derniers soient qualifiés. Or, contrairement aux législatives où au dessus d'un certain pourcentage, on est qualifié au second tour, donnant ainsi des seconds tours à trois voire quatre candidats, les présidentielles ne prennent que les deux meilleurs, point. Le vote utile est alors encore plus impératif.

Sauf qu'en 2002, les gens n'ont plus voté utile. Cela peut s'expliquer par plusieurs choses (une élection étant toujours complexe). Tout d'abord, la campagne médiatique pro-jospin qui le plaçait en grand vainqueur. En conséquence, certaines personnes se sont dit "je peux me permettre pour une fois de voter pour mes réelles convictions car de toute façon, il sera qualifié, ce n'est pas ma voix qui va changer quoi que ce soit" (sauf que si tout le monde se dit ça...). En outre, Jospin avait un programme assez proche de Chirac et on lui reprochait de ne pas avoir un programme assez socialiste. Ainsi des gens de gauches ont préféré voter pour d'autres candidats plus à gauche. Ainsi, en 2002, les "petits partis" ont eu de bons résultats comme Arlette Laguiller de "Lutte Ouvrière" avec 5.72%, Noël Mamère de "Les verts" avec 5,25 %, Olivier Besancenot de la "Ligue communiste révolutionnaire" avec 4,25 % ou encore Robert Hue du "Parti communiste" avec 3,37 % et pour le lol, Christiane Taubira du "Parti radical de gauche" avec 2,32 %. Sauf qu'à coup de 4/5% par ci par là, ils réduisent le pourcentage restant. La droite relativement unie derrière Chirac eu 19,88 % des voix et l'extrême droite est toujours unie derrière la figure de Jean-Marie Lepen avec 16,86 %. Finalement, avec l'éparpillement des voix de gauche, Lionel Jospin ne remporte que 16,18 %. Et c'est ainsi que le favori fut finalement écarté dès le premier tour de la fonction suprême. Au final, le fait qu'on le déclare favori l'a plus défavorisé qu'autre chose. Et c'est ainsi que le peuple de gauche a dû se résoudre à choisir entre Lepen et Chirac (ou ne pas voter ou voter blanc mais qui sont, à ce jour, sans incidence). Jospin n'a pas su mobiliser derrière sa candidature, il n'a en réalité pas su appeler les gens à voter utile. Alors évidemment, on ne le dit pas, on ne dit pas au gens "voter utile" car ça fait mauvais genre. On préfère diaboliser le camps opposé tel que "voter pour moi ou vous aurez un tel ou un tel après". Mais ne nous leurrons pas, on demande à voter utile. Tout simplement car sans ça, de grands partis peuvent s'écrouler (face à un autre grand parti opposé et jamais en faveur d'un petit parti de notre bord car sinon ça aurait pu être cool).

Marquez par cet événement inattendu, les partis se sont alors organisés pour endiguer cette situation. La réponse trouvée fut d'organiser des primaires en amont de l'élection officielle. L'idée est de réduire ainsi les candidatures divergentes mais proches en faisant une pré-sélection en interne afin de présenter un candidat porté par une tendance politique unie! Hélas, on n'est pas doué à ce jour. On l'a vu lors de la primaire socialiste de 2012, lors de la présidence de l'UMP, lors de la primaire socialiste et de droite de 2017. Lors des campagnes pour les primaires, on se met tellement sur la gueule qu'au final, il est relativement compliqué de nous rabibocher après. Alors on peut se mettre en mode "suiveur" car on a perdu mais on n'est pas aussi impliqué et uni que cela. Et au final, je juge que les primaires font plus de mal à notre famille politique que si c'était nommé. Ok, on sera frustré si notre poulain n'est pas choisi et on gueulera contre le président du parti et les instances dirigeante et d'investiture mais au moins, il n'y a pas cette campagne de guerre, de dénigrement, etc. Donc pour moi, les primaires, bien que créées en réponse au vote utile et à l'éparpillement des voix, ne sont absolument pas la solution.

Bien qu'une infamie, aujourd'hui, je ne peux qu'appeler à voter utile pour les élections de 2017. Je sais que Fillon a de nombreuses casseroles mais je ne vote pas pour un saint, je vote pour un programme. Et celui de François Fillon est celui qui me correspond le plus. Je peux être déçu par l'homme, mais il est hors de question pour moi d'aller me rabattre sur des petits partis comme Debout la France. J'ai toute la sympathie du monde pour Nicolas Dupont-Aignan mais voter pour lui, c'est retirer une voix à Fillon. Or le duel sera très serré pour le second tour et je ne veux pas pénaliser ma tendance politique. Me retrouver avec un duel Marine Lepen - Jean-Luc Mélenchon ou Marine Lepen - Emmanuelle Macron, très peu pour moi! Si la France continue encore 5 ans dans ces dérives, on ne s'en relèvera pas. Il faut des reformes profondes. Si vous avez des valeurs de droite, ne vous abstenez pas, ne votez pas pour un petit parti, votez pour le seul qui a les capacités d'être élu et qui est de votre bord. C'est le seul moyen pour que votre tendance politique soit représentée au second tour. C'est triste...mais le système est ainsi fait.

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