Les vraies aides de la Presse
Je confesse ne pas pouvoir m’empêcher de sourire lorsque je vois des médias crier haro sur la SNCF et ses cheminots assimilés à des privilégiés. Quand on critique les acquis sociaux des copains, il serait bon de balayer devant sa porte en amont. Car quitte à mettre les avantages sur la table et lancer le débat sur ceux-ci, je vous propose de passer en revu les privilèges de la presse française. Car bien qu’il faille soutenir la liberté de l’information, on est quand même en droit de s’interroger sur certaines mansuétudes fiscales et aides offertes par l’État à des organismes de presse sans nul autre contrepartie que faire leur travail.
Tout d’abord, on a l’aide directe, c’est-à-dire, l’enveloppe qu’accorde le ministère de la culture et de la communication aux organismes de presses via le Fond Stratégique pour le Développement de la Presse ainsi que les Aides à la Diffusion et les Aides concourant au Maintien du Pluralisme. Voici quelques chiffres sur les journaux dépassant le million d’aide d’État. Ces chiffres, venant du Ministère de la Culture et de la Communication, datent de 2015 et bien que cela ait pu bouger depuis, cela vous donne quand même un ordre d’idée :
7 770 562 € pour AUJOURD'HUI EN FRANCE
6 499 414 € pour LIBERATION
6 456 112 € pour LE FIGARO / lefigaro.fr
5 438 216 € pour LE MONDE / lemonde.fr
4 405 474 € pour LA CROIX / la-croix.com
4 094 071 € pour OUEST FRANCE
3 590 875 € pour L'HUMANITE
1 656 519 € pour LA DEPECHE DU MIDI
1 643 837 € pour LES ECHOS / lesechos.fr
1 609 400 € pour LE PROGRES / LES DEPECHES EDITION DU JURA / LA TRIBUNE
1 572 941 € pour LE PARISIEN
1 485 067 € pour L'EQUIPE
1 341 811 € pour PRESSE OCEAN
1 195 057 € pour LE DAUPHINE LIBERE
1 193 079 € pour L'EST REPUBLICAIN
1 190 406 € pour LE JOURNAL DE LA HAUTE MARNE
1 149 031 € pour LE JOURNAL DU DIMANCHE
1 139 971 € pour SUD OUEST
1 030 775 € pour LA VOIX DU NORD
1 000 805 € pour LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Cela représente quand même de belles sommes, n’est-ce pas ? Au total, cela représente environ 77 millions dépensés seulement pour l’année 2015. Et c’est souvent celles-ci qu’on dénonce en général. Pourtant, c’est loin, très loin d’être les seuls avantages de la presse. Intéressons-nous aux cadeaux fiscaux.
Déjà, l’État est sympa avec la Presse. Histoire de la rendre accessible à un maximum de personnes mais du coup également rendre les journaux plus « attractifs », ces derniers bénéficient d’une taxe sur la valeur ajoutée extrêmement basse. L’article 298 du Code Général des Impôts (CGI) fixe à 2.1% la TVA pour la presse métropolitaine et 1.05% pour les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. On est d’accord, ce n’est pas de l’argent en plus qui vont à la presse. Néanmoins, c’est de l’argent en moins dans les caisses de l’État alors que ça contribue au rayonnement de l’activité économique des organismes de presses. Donc cela reste un beau cadeau.
Les organismes de presse font leurs affaires et sortent en fin d’année un bénéfice. Vous le savez surement, les bénéfices sont taxés par ce qu’on appelle la taxe sur les sociétés qui ponctionne historiquement 33% des bénéfices mais je note que les récentes mesures fiscales veulent réduire ce taux à 25% d’ici 2022 (ce qui est très bien, à mon avis). Cependant, dans le domaine de la presse, des déductions fiscales d’investissement (achat de mobiliers, matériels, bases de données, serveurs ou services d’hébergement) sont possibles dans la limite de 30% pour les investissements liés à la presse en ligne et 60% pour la presse quotidienne. Ceci est régi par l’article 39 bis A du CGI. Donc vous êtes de la presse, vous achetez du matériel pour votre activité, bah c’est déductible de vos impôts, merci l’État.
Vous le savez également, les dons pour les associations d’utilité public ou les fondations sont déductibles des impôts sur le revenu de 66% dans le limite de 20% de vos revenus. Un bon moyen de vous pousser à faire des dons et soutenir ainsi des associations œuvrant pour le bien commun. Hé bien, figurez-vous que cette règle s’applique également aux organismes de presse via les associations « J’aime l’info » et « Presse et Pluralisme ». C’est le point f bis de l’article 200 du CGI. Et ce n’est pas le seul cadeau pour les particuliers. Vous souhaitez entrer dans le capital d’un organisme de presse ? Une réduction d’impôts vous est offerte de 30% de votre investissement dans la limite de 1000 €/an par personne. Merci l’article 199 terdecies-0 C du CGI. Si avec ça, on ne vous invite pas à donner à la presse. Alors que bon, je ne vois pas pourquoi d’autres entreprises ne peuvent pas en profiter non plus.
Mais vous savez, dans « Presse », il n’y a pas que les entreprises de presse. Il y a aussi les personnes qui y travaillent, comme des journalistes, des rédacteurs, des photographes, des directeurs de journaux, des critiques dramatiques et musicaux. Et si je vous disais que ce petit monde avait le droit à un abattement fiscal à hauteur de 7 600€. Parce que…voilà, ils bossent dans des journaux donc faut les aider. C’est l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002. Je travaille dans l’ingénierie informatique, il n’y a pas un petit geste pour moi ? Non ? Et pourquoi eux, jute car ils travaillent pour la presse ? Cela ne serait quand même pas un privilège corporatiste ?!
En outre, « Presse » n’englobe pas que les entreprises de presses et leurs employés et free-lances mais aussi les distributeurs. Ainsi, pour soutenir les vendeurs de journaux qui font le sacrifice fou de vendre des journaux, on leur offre un régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité social. En somme les montants dans leurs cotisations sociales sont assis sur une assiette fiscale fixée à 4% par l’arrêté du 30 juillet 1996. Vous êtes un épicier, vous achetez des fruits à un producteur local, il n’y a pas de régime dérogatoire alors que vous nourrissez les Hommes, mais si vous achetez de la presse pour la vendre, là par contre, l’État vous aide…Ok…
Et dans les distributeurs, il n’y a pas que les vendeurs de journaux, allons. Il y a aussi La Poste. Après des mois de négociations, les organismes de Presse, le gouvernement et La Poste se sont mis d’accord sur un protocole d’accord pour mettre des tarifs préférentiels pour le transport de journaux de presse. Cela a abouti aux articles D18 à D27 du Code des Postes et des Communications Électroniques.
Oui mais Yann, tu nous parles, allez, d’un milliard d’euros, ce n’est rien face à la dette abyssale de la SNCF. Certes mais la dette de la SNCF est la résultant de plusieurs années. Or là, je parle aussi de cadeaux offerts chaque année. Donc depuis simplement ma naissance, même s’il n’y avait pas tout ça, l’État a quand même dû sacrément raquer. Et surtout, la SNCF appartient à l’État. Donc c’est normal qu’il investisse dedans et dans le pire des cas, le physique (locaux, gare, rail, train…), ça peut toujours se revendre donc ce n’est pas vraiment à fond perdu. C’est son bien. Là, on parle de milliards donnés à des entreprises privées, enrichissant les riches propriétaires privés juste pour diffuser de l’information publique… En tant que tel, je ne suis pas foncièrement contre soutenir la Presse. Mais par contre, faut pas jouer les hypocrites en criant aux privilèges indus de la SNCF.
20/05/2018 à 06h57
20/05/2018 à 06h31