L'utilité du Sénat
Aujourd'hui, c'est les élections sénatoriales. J'ai déjà fait un article sur l'élection sénatoriale et je ne tiens pas à me répéter. Ainsi, c'est une autre question que je souhaite aborder ici. En effet, le Sénat est de plus en plus décrié. Depuis l'affaire Dassault, où le Sénat a refusé la levée de l'immunité parlementaire de ce dernier, on a vu fleuri dans la presse des gens s'interroger de l'utilité du Sénat et à savoir si on ne pourrait pas s'en passer. On présente le Sénat comme une assemblée de vieux croulant profitant de l'argent du contribuable. Je ne suis pas de cet avis là et je vous propose de voir ensemble à quoi sert le Sénat.
Savez-vous ce qu'est le bicamérisme? C'est une organisation politique où le pouvoir législative qu'est en France notre Parlement, est divisé en 2. Il y a la chambre basse et la chambre haute. Le but est qu'il n'y ait pas qu'un seul et unique décideur et qu'on dispose ainsi au moins une seconde lecture avant d'adopter une loi. Sur la carte ci-dessous, vous trouverez les pays bicaméristes (en bleu) et monocaméristes (en orange).
Notons qu'il y a plus de bicamérisme qui est surtout présent dans des pays démocratiques que de monocamérisme. En effet, il est toujours dans l'intérêt de la Nation d'avoir deux instances pour discuter des textes, y apporter des corrections via des amendements. D'autant que les conditions de vote des lois ne sont pas les mêmes. Les sénateurs ont souvent plus de temps pour étudier un projet de loi et sont surtout moins exposés médiatiquement par rapport aux députés. Le Sénat agit alors comme une soupape de décompression. Alors que les lois peuvent être voté à chaud et sur le coup émotionnel d'événement tiers à l'Assemblée, le Sénat peut et doit même prendre justement plus de recul et de temps. Temporiser pour laisser s'écouler la pression, l'émotion et prendre une décision plus objective sur un texte. Le Sénat est là pour calmer les choses et avoir un débat plus calme et moins enflammé que ceux que l'on peut voir à l'Assemblée Nationale.
Maintenant, on peut s'interroger pourquoi le Sénat est moins exposé et sur le devant médiatique que l'Assemblée Nationale. Le bicamérisme prévoit de diviser la décision en deux instances mais pas nécessairement que ces deux instances aient un pouvoir égal. En théorie et très souvent en pratique, pour qu'une loi soit appliquée, le texte doit avoir été validé par les deux chambres de manière identique. Ainsi, si le Sénat vote un amendement, le texte retourne ensuite à l'Assemblée et vice-versa. Et c'est seulement quand les deux chambres votent le texte sans y apporter la moindre modification que la loi est promulguée. Or, l'article 45 de la Constitution prévoit qu'en cas de différend entre les deux chambres, le gouvernement (et seulement lui) peut demander l'organisation d'une commission mixte (composée de députés et de sénateur donc) pour établir un texte qui sera proposé sans possibilité d'amender (sauf accord du gouvernement). S'il y a toujours désaccord, comprendre un accord et un refus, alors le gouvernement peut demander à l'Assemblée de statuer définitivement. Autrement dit, malgré toute la résistance que le Sénat peut faire, c'est la décision de l'Assemblée Nationale qui prévaudra. C'est pour cela que le monde médiatique se focalise sur l'Assemblée Nationale et délaisse le Sénat. Cette règle n'est pas mauvaise en soi car elle permet d'éviter un va-et-vient éternel de la loi quand une chambre a décidé de faire obstruction. Cependant peut-on pour autant dire que le Sénat est inutile si sa voix ne porte pas? Non, tout d'abord car c'est une procédure plutôt longue et lourde à mettre en place, ne pouvant être initiée que par le gouvernement et qu'il est préférable de laisser les deux chambres se mettre d'accord. Ainsi cette disposition est peu mise en pratique. Et même si elle ne peut pas refuser un texte indéfiniment, elle peut malgré tout l'amender et donc y apporter des modifications correctives salutaires qui seront amenées à être votées par l'Assemblée Nationale. Le but est d'éviter que le projet ou proposition de loi passe direct mais soit le fruit de négociations entre deux parties.
J'aimerai également rappeler qui sont les administrés de l'État, c'est-à-dire ceux qui dépendent et qui méritent donc d'être représentés. Il y a bien entendu le peuple. L'article 3 de la Constitution énonce que la Souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants. Ainsi le peuple est représenté par l'Assemblée Nationale dont les membres sont élus directement par le peuple. Mais en fait, il n'y a pas que le peuple qui dépend de l'État. Il y a également les collectivités locales. Car oui, les collectivités locales, que cela soit les régions, les départements ou les communes, sont indépendantes de l'État. Elles en dépendent car c'est l'État qui définisse leurs missions, leurs dotations, etc mais ne sont pas l'État. Ainsi, comme l'État a un fort impact, il parait logique et légitime qu'ils soient représentés dans l'organisation de l'État. C'est le Sénat qui joue ce rôle en témoigne l'article 24 de la Constitution.
Rappelons également que l'Assemblée Nationale est un peu assujettie au président. En effet, le président peut dissoudre l'Assemblée Nationale alors qu'il ne peut pas dissoudre le Sénat. Le Sénat représente ici la stabilité. Lors de crise, le Sénat reste fidèle au poste. Il incarne la continuité de l'État et de ses institutions. Cela se voit notamment lors de la vacance de la présidence. En cas de vacance du président, c'est le président du Sénat qui gère les affaires courantes et l'intendance. Il n'a juste pas le droit de dissolution et de référendum qui reste les prérogatives du président en titre comme l'énonce l'article 7 de la Constitution. C'est ainsi qu'Alain Poher devient président par interim suite à la démission de De Gaulle et du décès de Pompidou. En ce sens, c'est presque un vice-président. Toutefois, bien qu'on entend souvent parler du président du Sénat comme le deuxième homme de la République, d'après l'ordre de préséance, il n'est en réalité que le 3e.
Tout cela pour dire que le Sénat est important tant pour le bicamérisme que la représentation des collectivités locales que la continuité de l'État. Ainsi, non, le Sénat ne sert pas à rien. Alors laissez le prospérer.