Parmi tous les articles que j'ai pu écrire sur ce site, celui qui a été le plus lu selon mes statistiques est de loin l'article sur les différents rangs de noblesse. Faut croire que vous aimez cela. Ainsi, je vous propose de voir une hiérarchie avec cette fois le personnel de maison. Bien sûr, ceci n'est qu'un canvas classique hérité de notre passé et des aménagements, variations, multifonctions sont pratiqués. Ceci n'était pas une classification marquée dans le marbre. D'autant que tout le monde n'avait pas dans son domaine une vingtaine de domestiques œuvrant dans l'ombre, rare étaient les gens pouvant se le permettre. Dans la suite de cet article, j’appellerai membre de la maison, l’ensemble des membres de la famille propriétaire et habitant de la maison, ce qui exclut les domestiques ; le maître de maison, le propriétaire ou l’époux de la propriétaire ; la maîtresse de maison, la propriétaire ou l’épouse du propriétaire.
Un domestique est une personne travaillant dans la demeure de son employeur. Ce ne sont en aucun cas des esclaves puisqu'ils ont la liberté de quitter n'importe quand leur emploie (bien que leur situation précaire soit un frein évident) et surtout ils sont rémunérés via des gages et accumulent ainsi une fortune personnelle qu'ils peuvent utiliser à leur guise. Qu'on soit clair, les gages ne sont pas du tout élevés. C'était mieux que rien mais cela restait très très précaire. Si les conditions de l'époque étaient toujours en vigueur, on serait tous capable d'avoir aujourd'hui des domestiques tant on parle de quelques centaines de francs annuelles. La justification de gages si bas reposait sur le fait qu'ils étaient logés, nourris et vêtus par leurs employeurs et qu'il fallait donc prendre ça en compte dans le coût réel déboursé par les maîtres. Mais ne nous leurrons pas, cela reste une belle main d’œuvres pas cher. Ces derniers vivaient souvent dans les combles ou au sous-sol.
Enfin, il y a une catégorie que je veux mettre à part. Dans la définition que j'ai donnée, les gouvernantes et précepteurs qui s'occupaient des enfants rentreraient dans la catégorie des domestiques. En effet, dans les grandes maisonnées, les gouvernantes et les précepteurs n'avaient que les personnes de la maison à charge et vivaient à domicile. Cependant, c'était souvent des personnes plutôt "hautes". De manière évidente, les précepteurs étaient des érudits, des scientifiques, philosophes, des gens cultivés et pour être dans ce domaine et avoir le "luxe" du savoir, ce n’était rarement des pauvres. Ils devaient donc être traités avec tous les égards qui leur sont dû. Ils n’en restaient pas moins un employé de maison et devaient répondre aux ordres du maître ou de la maîtresse de maison. Ils vivaient d’ailleurs à l’étage des membres de la maison. Contrairement à ce que certains pourraient croire, la gouvernante n’était pas la nourrice. La nourrice était souvent une femme de chambre ou une bonne qui s’occupait des enfants durant les premières années de sa vie, tant que le travail se limitait à la bercer, lui donner à manger et jouer avec alors qu’il ne dit pas un mot. On ne confiait toutefois pas l’éducation de ses enfants à une bonne (qui est, comme on le verra, le bas de la branche féminine). Ainsi dès qu’il est en âge d’assimiler des règles, on le confie à une gouvernante. Pour connaitre les règles de la bonne société et élever ainsi convenablement les enfants, il fallait une femme bien éduquée et avec la connaissance de l'étiquette. Ainsi, c'était souvent des femmes de bonnes situations qui, par le hasard du destin (ne nous voilons pas la face, la mort de son mari ou de son père est souvent la cause), devait trouver un travail pour vivre. Ces derniers ne valaient pas le même prix qu'un simple domestique et la considération était bien supérieure (tellement qu'ils vivaient à l'étage des maîtres de maison). De même, ils ont un rapport d’autorité avec notamment les enfants dont ils ont la charge, ce qui ne se produit jamais avec des domestiques. Je les considère donc comme particulier.
En effet, ce qu’on attend d’un domestique, outre le service qu’il procure, est sa discrétion. Les domestiques ne se mettent pas en avant et doivent s’efforcer de déranger le moins possible les membres de la maison et leurs invités. On limitait au maximum les interactions. Bien entendu, ils devaient échanger avec eux pour transmettre un message ou répondre à une sollicitation. Cependant, ils n’étaient pas là pour tailler la bavette et répondaient assez laconiquement : « Oui, Monsieur », « Que puis-je faire pour vous, Monsieur ? », « Bien, Monsieur ! ». De même, point de bavardages entre eux en présence des gens de la maison ou de leurs invités. Ils se gardaient d’exprimer tout avis ou jugement, sauf si on leur demandait explicitement (situation bien rare et qui les mettait plus dans l’embarras qu’autre chose). Toujours dans le souci de s’effacer, ils seront toujours en retrait, notamment lorsqu'ils suivent une personne et raseront les murs lors d’une rencontre dans un couloir ou lors des repas.
Mais rentrons dans les rôles et commençons par le sommet.
Le majordome :
Le numéro 1 des domestiques est évidemment le majordome. Il est au service exclusif des membres de la maison et tout particulièrement du maître de maison. Lorsqu'il parle aux autres domestiques, il le fait au nom de ce dernier. De ce fait, il est responsable de l’ensemble du personnel de maison et ses ordres sont absolus (sauf contrordre direct du maître de maison). Il dirige plus directement le personnel masculin et, par convenance, va préférer passer par l’intendante pour gérer le personnel féminin même si rien ne l’empêche de donner des ordres directs. Il se doit également d’être polyvalent et connaitre les règles élémentaires de savoir-vivre (comment dresser une table, par exemple). Il se peut qu’une maisonnée n’ait que lui comme domestique, il s’occupe alors de tout.
Outre ses fonctions de RH, il gère également les entrées de la maisonnée. C’est lui qui ouvre la porte d’entrée et décide si cela vaut la peine de déranger la personne de la maison concernée. Il peut refuser l’entrée s’il vous juge importun ou vous forcer à passer par l’entrée de service s’il ne vous juste pas « digne » ou suffisamment important. De part sa position, c’est notamment à lui qu’on confie le soin et l’entretien des biens précieux de la maison comme le dépoussiérage de vases et tableaux couteux ou encore l’argenterie.
Si la maison était une entreprise et si les membres de la maison étaient les actionnaires qui possédaient réellement l’entreprise (le maître de maison en étant le Président), le majordome en serait le directeur général. C’est lui qui fait tourner la machine et s’assure que la volonté des actionnaires se réalise. Même s’il ne fait pas les tâches lui-même, il est le garant de l’ensemble du travail et vérifie, corrige et/ou punit si le travail est mal fait.
L’intendante :
Là où le majordome s’affaire essentiellement aux soins et au desiderata des membres de la maison, l’intendante est la personne qui s’occupe tout particulièrement de la maison en elle-même. Placée sous l’autorité de la maitresse de maison, c’est à elle de veiller à l’entretien du domaine et de s’assurer que personne ne manque de rien. Pour cela, elle peut se reposer sur le personnel féminin dont elle a la charge, notamment pour le ménage et la lingerie (vêtements mais aussi draps, taies…). Elle doit également s’occuper des menus travaux et gérer les incidents pouvant arriver (problème de plomberies, chaise bancale…). Bien que cela ne soit pas elle qui effectue les réparations, c’est à elle de faire en sorte que cela se résolve dans les plus brefs délais.
Une de ses tâches réservées est la tenue des comptes, des achats et de l’approvisionnement (nourriture, savon, lessive, bois, bougie, papier, encre…). C’est en effet elle qui gère la bourse pour les achats quotidiens (au nom de la maitresse de maison), c’est donc une charge très importante et souvent donnée à des personnes d’un certain âge, de confiance et avec de l’expérience. Attention, on parle bien des achats pour la vie quotidienne de la maison et en aucun cas, elle ne gère le patrimoine, tout ce qui est livres, œuvres d’art… qui relève du desiderata des membres de la maison. C’est ainsi elle qui fait l’inventaire et le suivi des stocks. Néanmoins, il était souvent d’usage de laisser le majordome gérer le vin. Elle possède l’ensemble des clés de la maison mises sur un trousseau qu’elle porte à la ceinture et qui est le symbole de sa charge.
Pour reprendre l’analogie avec le monde de l’entreprise, l’intendante serait la directrice financière qui veille au bon respect du budget et s’occupe des achats nécessaires pour la vie de l’entreprise ainsi que la DRH du personnel féminin et la directrice du service technique.
Le chef ou la cuisinière :
Le chef ou la cuisinière est la personne en charge des repas tant pour les membres de la maison que pour les domestiques (fallait bien qu’ils mangent, eux aussi) et dirige la cuisine d’une main de maître. Discrimination !!! Si c’est un homme, c’est un chef et si c’est une femme, c’est juste « une cuisinière ». Oui, enfin, on parle d’un temps où l’égalité des sexes n’était pas vraiment au goût du jour. Mais avant de crier au haro, je tiens quand même à préciser que « cuisinière » est une vraie charge (celle de diriger la cuisine) différente de celle d’assistants en cuisine, qu’on appelait pour les femmes des « filles de cuisine » et non « cuisinière ». Ce n’est plus lui qui fait les achats du garde-manger, comme on l’a vu précédemment, mais il dit ce dont il a besoin. Dans les très très grandes maisons où on faisait de nombreuses réceptions, les chefs/cuisinières pouvaient avoir des assistants cuisiniers spécialisés comme pour la pâtisserie, ou la rôtisserie.
Si on était en entreprise, le chef ou la cuisinière serait la responsable de la cantine d’entreprise, et les commis et filles de cuisine seraient le personnel faisait les plats avec ou sous la direction du chef/cuisinière. Bien qu’actuellement, ça peut être vu bassement, quand ce qui reflète votre niveau social est la qualité des réceptions que vous organisez, autant vous dire que c’est un poste plus que clé.
Le valet de chambre :
Attaquons désormais les domestiques personnels, c’est-à-dire, rattachés à un membre de la maison. Commençons par le valet de chambre, qui est tout simplement un valet affecté au service d’un membre masculin de la maison. Son rôle est de servir au mieux l’homme qui lui est affecté et le suivra notamment durant ses déplacements. Il s’occupe notamment des effets personnels de ce dernier. C’est notamment lui qui l’habille et déshabille, le coiffe, s’occupe de ses armes, gère les valises lorsqu'il se déplace.
Au sein d’une entreprise, cela serait le secrétaire personnel. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour assister du mieux qu’il peut la personne qu’on lui a affecté.
La femme de chambre ou camériste :
Elle est l’équivalent du valet de chambre mais pour les membres féminins. Elle aussi est chargée de servir sa maîtresse et la suit dans ses déplacements. Elle l’habille, la coiffe, s’occupe de ses effets personnels, ses bijoux… On l’appelle aussi camériste en Espagne. Une femme de chambre, généralement celle de la maîtresse de maison, était choisie essentiellement sur son physique et était chargée d’escorter les invités vers les membres de la maison une fois qu’ils aient passé le majordome.
À l’instar du valet de chambre, elle serait la secrétaire personnelle.
Les domestiques spécialisés :
On a des domestiques spécialisés nécessitant des connaissances particulières dans leur domaine. C’est ici qu’on retrouve notamment le chauffeur pour tout ce qui est transport, le jardinier pour tous les espaces verts, le palefrenier ou garçon d’écurie pour s’occuper des chevaux, le garde-chasse pour s’occuper du gibier et éviter le braconnage… Ils ne servent normalement que dans leur domaine de compétence. On n’affectera pas le palefrenier au service à table par exemple.
En entreprise, ce serait les employés qualifiés et experts dans leur domaine. Ce ne sont pas des dirigeants et ne sont pas dans les hautes sphères mais il maîtrise leur domaine de compétences et on leur laisse volontiers cette charge.
Les valets de pied :
Voici le bas de la hiérarchie masculine, les valets de pieds sont là pour assister et servir dans les tâches de la maisonnée sans être affectés à une personne en particulier. Ils peuvent aider à décharger les camions de livraison, aider à transporter les bagages. Ils aident également au service à table et se doivent donc d’être présentables.
C’est littéralement le salarié de base, peu qualifié, sans grande responsabilité. C’est la main d’œuvre pas cher et pour les tâches à faible valeur ajoutée. Pour autant, il contribue à faire tourner la machine et n’en demeure pas moins une ressource utile.
Les bonnes :
Les bonnes sont les femmes s’occupant du ménage sous la direction de l’intendante. Elles ont souvent des affectations spécifiques, on a celles chargées de l’époussetage, nettoyage, balai…, celles chargées des chambres tel que faire les lits, s’occuper des draps, des pots de chambres, celles charges des gros entretiens genre nettoyage de toutes les vitres, cirage tous les parquets, alimenter toutes les cheminées. Dans les maisons plus modestes, on avait des bonnes à tout faire qui se chargeaient de l’ensemble des tâches ménagères à elles seules. Elles sont en bas de la hiérarchie féminine.
Dans mon illustration avec l’entreprise, cela serait le personnel d’entretien qui veille à ce que les locaux soient propres, les ordures sortis et que tous sont bien rangés.