Si j'ai commencé à écrire mon tout premier article non-informatique sur l'Éducation Nationale, ce n'est pas un hasard. C'est tout simplement parce que c'est un sujet qui me tient à cœur. Nous sommes en pleine semaine du BAC général et technique, ceux du BAC pro ayant commencé depuis un moment. Mais les gens se focalisent que sur le BAC général et sa traditionnelle épreuve de philo qui, comme chaque année, signe le départ de ce grand examen de fin de cursus. Et comme chaque année également, on vient taper sur le BAC. L'année dernière, je me souviens, il était question de le réformer encore, il y a quelques années, on a fait les épreuves anticipées d'Histoire-Géo rendant la matière facultative en terminal. Cette année, on parle carrément de la suppression du baccalauréat.
Un des arguments chocs et qui a fait grand bruit est son coût. Un calcul a été réalisé par le principal syndicat de chefs d'établissement, le SNPDEN. Ce dernier estime que le BAC coûterait environ 1.5 milliard d'euros par an, là où l'inspection général évalue le coût à 90 voire 100 millions d'euros. Comment expliquer une telle différence? C'est très simple, le SNPDEN comptabilise les 3 semaines de cours supprimées en juin pour préparer le Baccalauréat. Or les enseignements et les coûts de fonctionnement continuent d'être payé. Cette suppression est bien imputable à l'examen. Donc pour le SNPDEN, c'est inclus dans son coût. Et c'est là qu'on voit la magnifique manipulation de chiffre. Absolument pas. La suppression est due au BAC, si on supprime le BAC, il n'y a plus aucune raison de supprimer les 3 semaines de cours. De ce fait, les profs et les coûts de fonctionnement seront toujours à payer. Donc ce fameux milliard d'euros sera à payer, BAC ou pas BAC. La différence est juste que d'un côté, il n'y a pas cours pour que les étudiants préparent le BAC et que le lycée se prépare à organiser les épreuves et de l'autre, il y a des cours. Mais dans tous les cas, on le paiera. Ainsi peut-on blâmer le BAC pour ce milliard? Non! Ce n'est que de la fumisterie ce 1.5 milliard d'euros. Par contre, je concède que les coûts ont augmenté à cause de la complexification de l'examen (plus de langues, d'options facultatives, etc).
Mais encore une fois, je vais revenir sur mon premier article. Faut-il toujours parler prix lorsqu'on parle d'investir sur la jeunesse, les générations d'après, préparer le futur, du savoir de nos enfants? Non seulement leur interprétation des chiffres est fausse mais en plus, je trouve que l'argument financier n'a pas sa place.
On l'attaque ensuite traditionnellement sur son inégalité. Encore une fois, une étude vient mettre le feu aux poudres et vient de l'Éducation Nationale. On constate que les enfants d'enseignants ont 90% de chance d'avoir le BAC contre 27.6% pour des enfants de parents inactifs ou 38% pour les employés de services. Il en faut moins pour les magnats de l'égalité pour hurler à la discrimination, que tout le monde n'évolue pas dans les mêmes conditions. En effet, certains parents ne peuvent pas toujours aider leurs enfants, leur payer un accès à la culture (des sorties, des livres, Internet...), leurs enfants ne fréquenteront pas les mêmes établissements dont la qualité varie. Mais justement, j'ai envie de dire, justement. Que vous soyez riche ou pauvre, 20 ans ou 15 ans (c'était les extrêmes de ma classe et ont tous deux eu le BAC), devant le sujet d'examen, nous sommes tous égaux. Même sujet, copie corrigée de manière anonyme donc sans préférence. Il n'y a pas de scandales de sujets plus dur ou moins dur pour un tel, il n'y a pas de favoritisme. On est tous égaux face aux sujets. Il n'y a pas de distinction entre un BAC obtenu dans un lycée de quartier et un grand lycée élitiste, le BAC a la même valeur pour tous.
Ceux qui sont pour la suppression du BAC prônent bien souvent pour favoriser le contrôle continu, plus équitable soi-disant. En effet, on peut être très bon toute l'année et pour le BAC, ne pas être bien, avec le stress et on tombe sur le sujet qui ne fallait pas et voilà, on n'a pas le BAC alors qu'on est bon. Déjà, si on est bon, il n'y a pas de "sujet qui ne fallait pas" et puis il y a les rattrapages. Mais surtout, il y a quoi de plus subjectif que le contrôle continu? Sérieusement?! Cela dépend clairement du niveau d'exigence de l'école. Et pour ça, j'ai une anecdote que j'aime bien raconter et je ne vais pas m'en priver ici. J'ai eu la chance de faire ma scolarité dans un établissement assez élitiste. J'avais une amie en 3e qui tournait vers les 10 de moyennes et a obtenu son Brevet. À cela, l'école lui a dit: "Désolé, nous ne vous acceptons pas dans notre lycée. Votre niveau est trop faible." Cette amie ne voulait pas redoubler et est allé dans un lycée publique un peu moins exigent, en seconde donc. Elle est première de sa classe avec 17 de moyenne générale. Cette anecdote démontre bien le caractère subjectif du contrôle continu vu qu'un 10 dans l'établissement A vaut un 17 dans l'établissement B. Les lycées des beaux quartiers que les pauvres ne pourront s'offrir sans se saigner à blanc auront un super diplôme top qualité alors que ceux des quartiers défavorisés, même si on est très bon, sera mal perçu. Est-ce ça que vous voulez? Et là, je parle des exigences des écoles pour montrer la subjectivité du contrôle continu mais dans une classe, lors d'un contrôle, lorsque le prof corrige les copies de ses élèves, involontaire ou non, il aurait tendance à être plus clément envers les élèves qu'il apprécient (pas forcément les chouchoux mais ceux dont il sent que l'élève suit, s'implique...) qu'envers ceux qui perturbent le cours créant sans le vouloir une discrimination. En effet, selon le rapport qu'il entretient avec l'élève, la note sera meilleur ou moins bonne. On ne parle pas de 5 points, soyons clair. Mais je pense que vous me comprenez malgré tout. En outre, avez-vous entendu parler de ce scandale à l'académie d’Orléans-Tours? L'académie a eu des mauvais résultats au BAC l'année précédente et pour ne pas être dans le bas du classement à nouveau, les inspecteurs ont demandé aux professeurs de français de gonfler les notes des élèves, allant même jusqu'à proposer une grille d'évaluation sur 24 points. Cela a fait scandale car c'est un examen national, contrôlé, avec l'attention de la presse et donc ce n'est pas juste et équitable envers les autres élèves d'autres académies. Maintenant, si on laisse tout le monde faire sa tambouille dans son coin, plus d'examen centralisé, des contrôles ponctuels fait par les profs dans le cadre du contrôle continu, la surveillance et la dénonciation de ce genre de pratiques serait beaucoup plus difficile. Et les proviseurs ont tous à y gagner. Ils demandent à leurs profs d'être clément, pas trop saquer et l'établissement obtient des bonnes réussites et de bonnes statistiques dont ils pourront se vanter. Heureusement, on peut le voir dans l'article, il y a encore des professeurs avec de la déontologie qui sont outrés par les demandes de la hiérarchie...Mais comme mentionné, c'est la hiérarchie, ils doivent plier ou partir. Donc franchement, critiquer le BAC pour son inégalité mais prôner une alternative encore plus inégale, cela me fait doucement rire. D'autant que le contrôle continu est déjà en place dans la branche professionnelle et qu'en disent les professeurs? La SNUEP, Syndicat National Unitaire de l'Enseignement Professionnel, juge la mesure néfaste, constate que le niveau régresse et que ce n'est en rien équitable.
Ensuite, on l'attaque sur le stress. Oui, les pauvres petits choux sont sous pression à cause de l'examen. Et bien tant mieux. Il y a bien un moment où il faut leur dire que la vie ne se résume pas à faire la fête le samedi soir, sortir, jouer. Il faut les confronter au stress car la vie professionnelle et universitaire n'auront pas cette douceur. Donc à 17/18ans si on ne leur apprend pas à faire face à un stress parfois intense, ils se trouveront fort dépourvus plus tard. Car dans la vie, au travail, on est sous pression donc autant s'y habituer jeune. Des fois, il faut arrêter de vouloir surprotéger nos enfants et gueuler "les pauvres font un effort, ils sont stressés, c'est mal". Cessons cette politique du moindre effort. Les révisions d'avant le BAC, le fameux bachotage, c'est chiant, compliqué, mais ça fait partie de l'examen, cela fait partie de la formation. Cessons avec ces piètres arguments.
Non, la vraie question et la véritable problématique est : "De nos jours, à quoi sert le BAC? Quel est son utilité?". C'est là qu'est le cœur du problème. Et là, je vous suis pleinement, actuellement, il n'a plus aucune valeur. On le brade. Il n'y a qu'à voir les programmes. Je n'arrête pas de les critiquer, on enlève de plus en plus de choses. On nivèle par le bas et c'est une très mauvaise décision. Je l'ai déjà critiqué dans mon précédent article, mais le niveau baisse, c'est incontestable. On rend l'épreuve plus facile pour que le plus de gens l'ait. Il devient petit à petit comme le Brevet, on l'a globalement tous donc tout le monde s'en moque royalement et il est considéré comme normal de l'avoir.
Alors là, j'en vois déjà houspiller que c'est méchant envers ceux qui n'arrivent pas à l'avoir, que c'est quand même une épreuve difficile et que ça reste un diplôme prestigieux. Non! Sincèrement, non! Vous ne pouvez pas me dire que le BAC est un diplôme prestigieux, de haute valeur alors qu'à l'heure actuelle, il y a 84% de réussites. Maintenant des grandes surfaces le demandent pour être caissière. C'est un des gros problèmes. Il y a tellement de gens qui ont le BAC qu'il a perdu son côté élitiste. C'est devenu quasiment une norme d'avoir le BAC et donc les entreprises le demandent à tort et à travers. Avant, le BAC et ses différentes mentions permettaient de trier mais ce n'est plus le cas désormais. Si on veut ressortir, il faut faire des études supérieurs. Or, tout le monde n'est pas fait pour faire des études universitaires. On a tendance à oublier tant de belles autres formations. Les CAP, les BAC professionnels, l'apprentissage, etc. sont d'excellents moyens pour accéder à un métier. Mais non, notre société se focalise sur le BAC général et technique. Cela serait les gens encore, on s'en moque, mais les recruteurs le demandent souvent là où des diplômes et formations alternatifs sont possibles. Et c'est un problème majeur. On peut réaliser de grandes choses sans avoir le BAC. Par exemple, Fabrice Luchini, Michel Drucker, Michel Denisot, Patrick Bruel, Jean-Pierre Foucault, Pierre Bérégovoy, Alain Ducasse, François Pinault ou Jean-Claude Decaux n'ont jamais eu leur BAC et pourtant, ils s'en sont bien sortis. Entreprises et recruteurs, arrêtez cette hégémonie du BAC.
Autre voyant de l'inutilité du BAC, les études supérieurs. Avant, on avait les fameux dossiers scolaires et le BAC avec les mentions qui nous permettaient d'entrer dans telle ou telle école supérieure. Au final, de plus en plus d'écoles font leurs propres sélections. Ne pouvant plus se fier au BAC, il n'est plus rare de voir des écoles avec entrée sur concours ou sur examen. Preuve que le supérieur se détache davantage du diplôme, c'est l'initiative "admission post-bac" où l'on apprend si on est inscrit dans tel établissement avant même d'avoir passé l'examen. Il n'est plus le garant d'une certaine qualité alors le système s'en détourne.
Alors le critiquer, c'est bien. Mais que proposer comme solution pour pallier au manque de valeur du BAC? D'aucuns prêchent la suppression. Moi, je m'interroge pour mettre quoi à la place. Je suis ouvert à la discussion. Mais si c'est pour mettre le contrôle continue, je ne pense pas que cela soit une bonne chose. Pour moi, il faut rehausser le niveau du BAC, augmenter les exigences. On n'est pas là pour le donner, il doit aller aux méritants. Plus de gens vont le rater, et donc? Ce n'est pas une tare mais une opportunité. On remarque, en ratant le BAC, qu'on n'a pas forcément bien appris les connaissances vues au loin de la formation et on nous offre l'opportunité de redoubler pour consolider ces dernières. Je trouve cela nettement mieux que baisser le BAC et si vous savez mais pas trop, on vous laisse passer quand même et après dans le supérieur, c'est casse-gueule et vous vous découragez voire vous décrochez. Le but originel du BAC est quand même de certifier un certain niveau d'aptitude et de savoir. Redorons le BAC et rendons le à nouveau élitiste pour que ceux qui l'auront, riches ou pauvres, soient considérés comme des gens de qualité. En faisant cela, on casse la norme du BAC, la valeur du BAC vient de sa difficulté à l'avoir. Dans le même temps, on communique davantage sur les diplômes et formations alternatives (apprentissage, CAP, BEP, BAC pro...). En effet, tout le monde ne sera plus fait pour prendre le BAC. Il faut casser ce préjugé, tu veux réussir, avoir plein d'opportunités, passes ton BAC (général et technique). Il y a d'excellents métiers dans l'artisanat par exemple où l'apprentissage est fondamentale. Je le sais, mon père est maitre tapissier décorateur. Il n'a pas le BAC général et pourtant, il a beaucoup de travail et il gagne bien sa vie. N'est-ce pas ce qui compte? Car si c'est faire un BAC général, de grandes études, tous ça pour aller dans un marché saturé, à quoi ça sert alors qu'on a besoin de bouchers, de boulangers, de coiffeurs, d'artisans... Ces formations ne sont pas inférieurs au BAC. Je les trouve même plus intéressante car plus spécialisé. Vous voulez faire coiffeur, vous faîtes une école de coiffure, pas un BAC général où vous ferez des maths, de la physique... L'idée, vraiment, est de casser l'hégémonie du BAC, ne plus le rendre populaire mais plus difficile à avoir (donc beaucoup plus de mérites lors de son obtention) ce qui permet de mettre en avant d'autres formations plus adaptées aux ambitions des élèves.
Donc non, malgré son actuel inutilité, je suis contre la suppression du BAC, c'est une étape importante qui clos un cycle éducatif, en l'occurrence le lycée. Mais on doit lui rendre son rôle d'examen qui est réellement d'évaluer le niveau des élèves et non de s'abaisser à leur niveau. Arrêtons le BAC comme "the one best way" (comme disait Taylor) et croire qu'il "fabrique" les meilleurs élèves et mettons en avant les autres diplômes. Mais surtout, il ne faut pas briser le diplôme national pour des diplômes locaux, ce qui serait terrible à mon avis.